Réflexions et Mémoire présenté par M. de Vioménil à M. le Comte de Rochambeau le 10 obre 1781
La santé de M. de Rochambeau l'ayant mis dans l'impossibilité de surveiller luy même l'ouverture de la tranchée et les travaux faits devant York, pendant les huit premiers jours, M. de Vioménil qui l'avait suppléé de son mieux, et qui avait jugé que dès le 10 octobre il était possible d'enlever les redoutes qui couvraient avec avantage les retranchements de Lord Cornwallis , remit à son général le mémoire suivant, en le priant d'en faire approuver l'exécution au général Washington . Ce projet qui ne fut adopté que pour la journée du 14 eut le succès le plus désiré.
Réflexions et projet
Tout ce qu'a fait le lord Cornwallis depuis l'arrivée des trouppes alliées devant York , l'abandon de ses redoutes et de tout le pays de chicane qu'il avait à sa gauche, son inaction à l'ouverture de nos tranchées, le peu d'artillerie qu'il a montré jusqu'à présent, plusieurs de nos batteries faites à la portée de fusil de ses retranchements sans attaque, et sans contrariété de sa part, tout annonce son peu de résolution ou sa faiblesse. si on ajoute à ces réflexions qu'il fait garder Glochester par mille ou douze cents hommes de son armée, on trouvera peu être qu'il ne peut pas y avoir d'inconvénient à faire attaquer de vive force les redoutes qui sont en avant de sa gauche et qui luy servent d'une grande protection, après qu'elles auront été battues pendant vingt quatre heures par toute l'artillerie américaine, et par celles de nos batteries de canons et de mortiers qui peuvent être dirigées sur quelques vues des faces, gorges ou saillants de ces redoutes. Au préalable de cette attaque on chercherait dès la nuit prochaine à faire brûler par des matières combustibles, les abatis qui sont en avant de ces redoutes, on obligerait les ennemis à être sous les armes pendant toute la nuit en simulant des attaques sur leur front le long du grand ravin qu'ils ont abandonné, et demain, entre midy et deux heures, au moment où la tranchée se relève, où les forces sont doublées et où les anglais dorment ordinairement, après avoir suffisamment garni les tranchées, on déboucherait avec près de cinq mille hommes sur ces redoutes