MANIFEST

Brouillon lettre B de V au duc du Chatelet -

Title:
Brouillon lettre B de V au duc du Chatelet -
Creator:
Charles-Antoine Du Houx, Baron de Vioménil
Recipient:
Louis Marie Florent du Châtelet
Date Created:
1781-07-30
Location:
Philipsburg Encampment, New York, USA
Source Identifier:
161

1

Au camp de Philippsburg le 30 juillet 1781

J’ay eu l’honneur de vous mander, Monsieur le duc dans ma lettre du 20 may dernier, que le général Washington avait adressé ses ordres à M. le cte de Rochambeau pour qu’il se rapproche de l’armée américaine dans les premiers jours de juillet. Ayant sçu le 9 juin à Newport que le convoy que nous attendions était arrivé la veille à Boston les trouppes furent embarquées le dix et le onze pour aller camper à Providence , où elle ont attendu et reçu des recrues, et une partie des effets que le Sagittaire avait convoyés, elles ont marché par division le 19 pour se rendre sur la rivière du Nord ,où elles se sont réunies le six de ce mois à l’armée de M. Washington , après avoir campé successivement à Waterman Tavern , Plainfield , Windham , Bolton , Hartfort , Farmington , Waterbury , Breackneck , Newton , Ridgbury , Bedfort et Nort castel ;

Nous avons marché dans des pays difficiles mais avec tant d’ordre et discipline, qu’il n’a été fait ny plainte, ny réclamation contre qui que ce puisse être.

Le général Washington a levé tous ses quartiers dès qu’il nous a su à Hartfort , il a passé la Hudson le 25, et a campé le même jour à Piskill , un de ses espions les plus affidés luy ayant fait rapport le 28 que les anglais gardaient le fort Washington avec peu de monde, et beaucoup de négligence, et la prise de ce fort pouvant luy donner à la fois la facilité de s’emparer du passage de Kingsbridge , de resserrer les anglais dans New-York , et de leur oter toutte communication avec le continent, en campant sur les hauteurs de Harlem . Le jour même ou le lendemain de sa réunion avec


2

notre petite armée il se décida à la faire attaquer le 3 juillet à la pointe du jour, par un corps de 800 hommes aux ordres du général Lincoln qu’il fit embarquer le 2 à cet effet dans les environs de Piskill . Ce général qui devait descendre la rivière du Nord, dans la journée et la nuit du deux à hauteur de la marche de l’armée américaine jusqu’à trois milles de Kingsbridge , avait ordre de la dépacer [dépasser] alors et d’opérer son débarquement et son attaque sur les derrières du fort Washington . Le duc de Lauzun qui nous avait joint dans la matinée du deux au camp de Belfor, reçut un ordre particulier du général Washington pour continuer sa marche, et pour attaquer le lendemain au point du jour, le corps des chasseurs de Lancey , qui occupait Maurisiana . Le colonel Sheldon avec ses dragons et cent hommes d’infanterie, avait été détachés de l’armée américaine pour concourrir à cette attaque aux ordres et à l’avaant garde du duc de Lauzun . La tête de notre petite armée dirigée sur Nort Castel , dans la matinée du trois, aurait pu se réunir le même jour par une marche forcée à l’armée américaine, dans les environs de Kingsbridge ]], mais la marche du général Lincoln ayant été découverte par deux frégattes qui remontaient la rivière, et par un corps de chasseurs hessois qui était sorti de Kingsbridge une heure avant le jour pour couvrir un fourage que les anglais devaient faire dans cette matinée. Ce général qui ne pouvait s’emparer du fort Washington qu’en surprenant les trouppes qui le gardaient, n’eut d’autre parti à prendre que de débarquer son détachement, et de se rapprocher du point où M. Washington s’était arrêté avec son armée. A peine fut-il en marche qu’il s’établit une fusillade si vive entre son arrière garde et les chasseurs hessois, qu’elle aurait eu peut-être des suites désagréables pour son détachement, si le duc de Lauzun qui avait poussé devant luy tous les chasseurs de Lancey , qui étaient en avant de Maurisiana , ne s’était pas montré et formé sur les derrières de ces chasseurs


3

de manière à leur donner de l’inquiétude pour leur retraite. Ce mouvement qui fut fait avec beaucoup d’audace arrêta celui des chasseurs qui devenait très offensif et fort [...] M. Lincoln qui avait déjà perdu près de cent hommes en profita pour rejoindre l’armée américaine, qui s’était avancée pour le recevoir et le général Washington la ramena et la fit camper le même jour à Philippsburg . Il vint nous voir le lendemain au camp de Nort Castel , où il nous ordonna de le joindre dans la journée du six. Depuis cette dernière époque touttes les opérations se sont réduittes à des reconnaissances particulières et à quelques coups de canon tirés de Taritown et de Dobsferry , sur des frégattes et quelques autres petits corsaires qui avaient remonté le 15 la rivière du Nord , pour intercepter la navigation de nos vivres. Un de nos bâtiments chargé de pains ayant eu la maladresse de s’approcher pendant la nuit de ces frégattes fut enlevé, quelques chalouppes armées s’étant avancé jusqu’auprès de Taritown pour y bruler des bateaux américains chargés de poudre, un sergent et douze hommes du Regt de Soissonnais les ont forcé à se retirer et se sont montrés dans cette circonstance de manière à mériter des éloges.

Le 21 au soir le général Washington , et M. le Cte de Rochambeau partirent à la tête de cinq mille hommes pour s’approcher de Kings bridge . Ils passèrent les journées du 22 et du 23 à reconaître et à faire lever le plan des ouvrages et des lignes que les anglais ont élevé dans l’isle de New-York , derrière la rivière de Harlem , depuis le pont de Kingsbridge , jusqu’à la pointe de Maurisiana , et à celle de Hors neck , dans le sund. Le duc de Lauzun avec son corps, quelques américains et le bataillon de grenadiers et chasseurs de Soissonnais, qui étaient à ses ordres, se plia à la gauche de cette marche tous les postes que les ennemis avaient sur le continent, il fit quelques prisonniers, et facilita toutes les reconnaissances des généraux.


4

En arrivant à Maurisiana le général Washington , après s’être apperçu qu’un reste de réffugiés fuyaient devant lui, et qu’ils n’auraient pas le temps de repasser la rivière de Harlem , s’ils étaient poussés un peu vivement, ayant témoygné quelques regrets de n’avoir avec luy que huit ou dix dragons pour remplir cet office, MM de Vauban , de Damas , de Closen , de Lauberdière , et Berthier , ayde de camp de M. le cte de Rochambeau , l’eurent à peine entendu qu’ils se mirent à la tête de ces dragons, chargèrent, poursuivirent et prirent les réfugiés jusque dans la rivière, malgré un feu assez considérable de canons à cartouche et de mousquetterie qu’ils attaquèrent de très près. M. de Damas eut son cheval tué sous luy d’un coup de canon, il n’y eut d’ailleurs aucun blessé dans cette circonstance ny pendant les deux jours que nos trouppes sont restées dans les environs de Kingsbridge , quoy qu’il y ait eu beaucoup de tiraillerie, et plus de 800 coups de canons tirés de la part des anglais. Les généraux ramenèrent toutes les trouppes dans la nuit du 23 au camps de Philippsburg , ils ne furent point suivis à leur arrière garde, le détachement français était aux ordres du chevalier de Chastelux , il était composé des régiments de Bourbonnais et de Deux-Ponts , du bataillon de granadiers et chasseurs de Soissonnais et de la Légion de Lauzun. MM de Charlus , et de Rochambeau commandaient les bataillons de grenadiers et chasseurs de leurs brigades, MM de Deux-Ponts leurs régiments et M le Mis de Laval la Brigade de Bourbonnais, voila Monsieur le duc le bulletin exact de ce qui s’est passé dans l'Amérique septentrionale depuis le mois de juin, suivant toute apparence cette s’y achèvera sans aucun événement qui puisse intéresser, et notre destinée sera de camper icy tout aussi longtemps que nous y aurons des subsistances. On attend toujours M. de Grace , je crains bien qu’on ne l’attende


5

encore longtemps et quand même il arriverait tout à l’heure comme il ne nous apportera pas assez de moyens pour prendre New-York . L’amérique serait trop heureuse, si notre position et son arrivée déterminait M. Clinton à retirer ses généraux, ou du moins suspendre les opérations dans les Carolines et la Virginie .

Corwallis s’est déjà replié jusqu’à Williamsburg , M de La Fayette le suit avec mesure. Le général Green après avoir fait une pointe jusqu’à Augusta dans la Georgie, a fait des tentatives sur le fort de Nenni Six, qui n’ont pas réussi, Nous croyons qu’il se retire sur Cambden et que les grandes chaleurs mettront fin pour quelque tems aux opérations des Carolines et de la Virginie . Arbuthnot est retourné de sa personne en Angleterre, c’est Graves qui commande son escadre. M. de Barras est resté avec la sienne à Newport , où il attend M. de Grace , et où il est protégé par mille hommes de milices américaines et quatre cent français que M. le comte de Rochambeau y a laissé aux ordre de M. de Choisy .

Si nos généraux se déterminent à faire encore un mouvement en avant et qu’ils puissent sans inconvénient appuyer leur droite à la rivière du Nord [ce qui ... cent toise ]de la pointe de Kingsbridge , et leur gauche à New Rochelle , ils oteront de grands


6

moyens de subsistance aux anglais, ils nous assureront des fourages pour le reste de la campagne, diminueront le service de l’armée qui est devenu très fatiguant dans cette position et empècheront les ennemis de se montrer à l’avenir dans cette partie du continent.


1

At the camp of Philippsburg on July 30, 1781

I had the honor of informing you, Monsieur le Duc, in my letter of the 20th
May last, that General Washington had sent his orders
to M. le cte de Rochambeau to approach the American army
in the first days of July. Having been informed on June 9 at Newport that
that the convoy we were waiting for had arrived the day before in Boston
the troops were embarked on the tenth and eleventh to go and camp
Providence, where they waited for and received recruits,
and some of the effects which the Sagittaire had conveyed, they marched by
division on the 19th to the North River, where they assembled on the
on the sixth of this month with the army of Mr. Washington,
after encamping successively at Waterman Tavern,
Plainfield, Windham, Bolton, Hartfort, Farmington,
Waterbury, Breackneck, Newton, Ridgbury, Bedfort and Nort castel;

We marched through difficult country but with such order and
order and discipline, that no complaint or claim was made
against anyone.

General Washington raised all his quarters
as soon as he heard of us at Hartfort, he passed the Hudson on the 25th,
and encamped the same day at Peekskill, one of his most trusted spies
had reported to him on the 28th
that the English were guarding Fort Washington with few men and
negligence, and that the capture of this fort could give him the facility
of seizing the Kingsbridge passage,
to close in on the English in New York, and to cut off all
communication with the continent, by camping on the heights
of Harlem. The same day or the day after his meeting with


2

our small army he decided to attack it on July 3 at daybreak,
by a corps of 800 men under the command of General Lincoln, whom he had embarked on the 2nd for this purpose in the vicinity of Peekskill. This general,
who was to descend the North River during the day and night of the second
at the level of the march of the American army up to three miles from
Kingsbridge, had orders to disembark and attack on the rear of Fort Washington.
The Duke of Lauzun, who had joined us on the morning of the second at the camp of Belfor, received
a special order from General Washington to continue his march, and to attack
the next day at daybreak, the corps of Lancey's chasseurs
which occupied Maurisiana. Colonel Sheldon with
his dragoons his dragoons and one hundred infantrymen, had been detached
from the American army to assist in this attack at the orders and the
avant guard of the Duke of Lauzun. The head of of
our small army directed to Nort Castel, in the morning of of the third,
could have joined the same day by a forced march
with the American army, in the vicinity of Kingsbridge,
but the march of General Lincoln having been discovered
by two frigates that were going up the river, and
by a corps of Hessian chasseurs who had left Kingsbridge an hour
before daylight to cover a search which the English were
to make in the morning. This general, who could only seize
Fort Washington by surprising the troops that were guarding it, had no choice
guarding it, had no other course to take than to disembark his detachment
his detachment, and to approach the point where Mr. Washington
had stopped with his army. No sooner had he set out than there was a fire
he established such a lively fusillade between his rear guard and the
that it might have had unpleasant consequences for his detachment,
if the duke of Lauzun who had pushed in front
him all the Lancey hunters, who were in front of Mauritiana, had
not shown himself and formed on the rear of these hunters


3

in a way that makes them worry about their retirement. This
movement, which was made with great boldness, stopped the hunters' movement
which became very offensive and strong [...] Mr. Lincoln, who had already
lost nearly one hundred men, took advantage of this
to join the American army, which had advanced to receive him
and General Washington brought it back and encamped it the same day
day at Philippsburg. He came to see us the next day at the camp
of Nort Castel, where he ordered us to join him on the day
of the sixth. Since this last time all the operations were
reduced to particular reconnaissances and to some shots
fired from Taritowa and Dobsferry, on frigates and
some other small corsairs which had gone up the North River on the 15th
to intercept the navigation of our supplies.
One of our ships loaded with bread having had the clumsiness to approach
these frigates during the night was taken,
some armed barges having advanced to Taritowa
to burn American boats loaded with powder,
sergeant and twelve men of the Regt de Soissonnais forced them to withdraw
and showed themselves in this circumstance in a way
to deserve praises.

On the evening of the 21st, General Washington and M. le Cte de Rochambeau
left at the head of five thousand men to approach Kings
bridge. They spent the days of the 22nd and 23rd reconnoitering
and drawing up a plan of the works and lines that the English
the island of New-York, behind the river of Harlem, from the
from the bridge of Kingsbridge, to the point of Maurisiana,
and to that of Hors neck, in the sound.
The duke of Lauzun with his corps, some Americans and the battalion
of grenadiers and chasseurs of Soissonnais, which were at his orders, folded
to the left of this march all the posts that the enemies had
on the continent, he made some prisoners, and facilitated all
the recognitions of the generals.


4

On arriving at Mauritiana, General Washington, after having noted
that a remnant of refugees were fleeing before him, and
that they would not have time to cross the Harlem river again, if they were pushed
in a mildly harsh way, and having expressed some regrets of having
only eight or ten dragoons to fulfill this office, MM de Vauban, de Damas
Vauban, de Damas, de Closen, de Lamberdière, and Berthier, ayde
of camp of M. le cte de Rochambeau, had hardly heard him
that they put themselves at the head of these dragoons, charged, pursued
and took the refugees as far as the river, in spite of a rather considerable fire from
and musketry, which they attacked very closely.
M. de Damas had his horse killed by a cannon shot,
there was no one wounded in this circumstance nor during the two days that our
during the two days that our troops remained
in the vicinity of Kingsbridge, although there was much skirmishing
and more than 800 cannon shots fired by the English.
The generals brought back all the troops on
the night of the 23rd to the Philippsburg camp, they were not
followed by their rear guard,
the French detachment was under the
orders of the chevalier de Chastelux, it was composed of the regiments of
Bourbonnais and Deux-Ponts regiments, the battalion of granadiers and chasseurs
of Soissonnais and of the Legion of Lauzun. MM de Charlus, and de
Rochambeau commanded the battalions of grenadiers and
hunters of their brigades, MM de Deux-Ponts their regiments
and M le Mis de Laval the Brigade of Bourbonnais, here is,
Monsieur le Duc the exact report of what happened
in North America since the month of June, according to
all appearances this will end without any
event that may interest, and our destiny will be to
camp here as long as we have supplies.
We are still waiting for M. de Grace, I am afraid that we will wait for him


5

still for a long time, and even if it arrives in the near future,
it will not bring us enough means
to take New York. America would be too
happy, if our position and his arrival
would determin Mr. Clinton to withdraw his generals,
or at least suspend operations in the Carolinas
the Carolinas and Virginia.

Corwallis has already withdrawn to Williamsburg,
M. de La Fayette follows him with measure.
General Green after having made a voyage
to Augusta in Georgia, has made
attempts on the fort of [Nenni Six], which did not succeed.
We believe that he is retiring to Cambden
and that the great heat will put an end for some time to the
the operations in the Carolinas and Virginia.
Arbuthnot has returned to England in person,
Graves commands his squadron. M. de Barras
remained with his squadron in Newport, where he awaits M.
de Grace, and where he is protected by a thousand men
of American militia and four hundred Frenchmen whom M. le Comte de
Rochambeau has left there at the orders of M. de Choisy.

If our generals determine to make a further movement forward
and that they can without inconvenience support their right at the
North River [which is ... one hundred toise ] from the point of Kingsbridge,
and their left at New Rochelle, they will omit great


6

means of subsistence to the English, they will assure us of fodder for the remainder of the campaign, will decrease the service of the army which has become very tiring in this position and will prevent the enemies from showing up in the future in this part of of the continent.