MANIFEST

Brouillon lettre B de V au duc du Chatelet

Title:
Brouillon lettre B de V au duc du Chatelet
Creator:
Charles-Antoine Du Houx, Baron de Vioménil
Recipient:
Louis Marie Florent du Châtelet
Date Created:
1781-05-12
Location:
Newport, Rhode Island, USA
Source Identifier:
162

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A Newport le 12 may 1781

Si M. le cte de Rochambeau , Monsieur le duc, n’a pas ramené à sa suitte les moyens qui nous étaient nécessaires pour faire une campagne honorable et utile, il m’a du moins raporté des marques de votre bonté, de votre estime et de votre souvenir, auxquelles je suis bien sensible, oui Monsieur le duc, puisqu’il a été recréé des inspecteurs, et qu’on les a rassemblé en comité, vous ne pouviez rien faire qui me fut plus agréable, ny mieux selon mon coeur, que de m’associer à tout ce qui compose celuy que vous présidez, c’est comme vous le dites effectivement m’avoir mis en très bonne compagnie, et je n’en connais point, je vous assure, avec j’aimasse mieux me trouver et vivre à la guerre comme à la paix. Jugez d’après cela de mes regrets d’être dans un éloygnement, qui ne me permet pas de profiter de vos leçons, de leurs lumières, et de contribuer avec eux, à vos ordres, et sous vos yeux, au bien qui doit résulter du travail de votre comité. J’ay appris hier de M. votre neveu, la mort de son beaufrére, les regrets qu’il luy donne, la sensibilité comme {M Le Duc de Chatelet }


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tout ce qu’il dit sur cet événement, et les inquiètudes sur l’effet qu’il aura produit sur la santé de Madame de Damas , font honneur à son coeur, et à son esprit. Il se porte d’ailleurs à merveille, et nous ferons tous de notre mieux, pour vous le conserver, malgré sa grande vocation à rechercher toutes les occasions où il peut se montrer comme un preux et loyal chevalier.

Si les ministres du Roy forment encore de nouveaux projets sur l’Angleterre, et qu’ils veulent que nous les exécutions pendant cette campagne, ne comptez pas je vous en prie Monsieur le Duc sur les espagnols pour vous ayder, le départ de M. d’Estaing de Cadix , auquel ils attribuent le ravitaillement de Gibraltar , leur a suivant toute apparence donné trop d’humeur pour que je puisse les croire occupés d’une entreprise pour laquelle ils ont et ont toujours eu la plus grande répugnance. Ils pensent à eux, bien plus qu’à nous, ils viennent de reprendre Pensacola , dont la conquette les intéresse infiniment, et qui scait si leurs clameurs sur la rentrée de M. d’Estaing à Brest , n’a pas fait dévouer M. de Grace et son escadre pour une partie de cette campagne, à tout ce qui poura favoriser leurs entreprises,


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de préférence à celles qui nous seraient plus directement avantageuses. Voilà me direz vous de facheuses réflexions et de tristes prévoyances, j’en conviens Monsieur le duc, et je ferai amende honorable avec plaisir, sur mon radotage, si nos escadres et nos trouppes font assez de conquettes dans la Manche , ou sur les colonies des Anglais pendant cette campagne pour les forcer à signer dans six mois l’indépendance, et un traité de paix, aussi glorieux pour la France, qu’il aurait pu l’être si on nous avait donné les moyens de prendre New-York , et de chasser les anglais de toute l’Amérique. Si M. de Vergennes à luy seul procure à la France les mêmes avantages, il se sera préparé de grandes jouissances, et son amour propre sera longtems satisfait.

Le général Washington nous voulant au commencement de juillet sur la rivière du Nord , nous partirons vers le 10 du mois prochain pour le rejoindre, ce sera vraysemblablement, dans les enviorons de Pis-Hill ]] ou de Dobsferry ]] que s’opérera notre réunion, si ce mouvement qui aura l’air de menacer New-York , donnait assez d’inquiétude à M. Clinton pour l’engager à faire revenir une partie des troupes qui désolent la


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Virginie , il aurait un effet plus heureux que nous ne pouvons l’espérer raisonnablement, car dans le fait nous serons trop faibles pour rien entreprendre, mais assez forts cependant pour ne pas craindre aucune tentative de la part des anglais dans la position que pourait prendre MM de Washington et de Rochambeau dans les environs de New-York . Dans cet état des choses nous pouvons être sûrs que nous sommes dévoués à camper au moins pendant deux ou trois mois fort près de M. Clinton et de son armée, que cette campagne se traduira à quelques reconnaissances, et sera tout aussi insignifiante que la dernière, et que si même M. de Grace nous arrivait, à la fin de juillet ou dans les premiers jours d’’aoust, en se dévouant pour trois mois à tout ce qui pourait servir la cause de l’Amérique, je ne verrai encor aucune possibilité de prendre New-York parce qu’on ne s’empare pas avec huit ou neuf mille hommes, à quoy se monteront nos forces réunies, d’une ville gardée par un corps de trouppes plus considérable et dont les aproches sont deffendues de toutes parts par des redoutes et des retranchements hérissés de canon, et de difficultés.

M. Cornwallis qui instrumente la Virginie M de La Fayette se retire devant luy avec beaucoup de sagesse


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et de mesure. Nous ne sommes pas cependant sans inquiétude sur son sort, le Congrès croit en avoir de fondée sur la défection de cette province, pour moy je n’y crois pas. Green fait une pointe dans les Carolines , qui nous étonne, et dont nous désirons qu’il n’ait pas à se repentir. Notre escadre est réparée en tout point, nous attendons avec impatience le convoy qui nous apporte des recrues, des habits, des subsistances et de l’argent, s’il nous manquait notre position et notre représentation deviendrait pytoyable, en tout ne voous attendez à aucune prouesse de notre part quoyque tout ce qui est icy, ait une volonté que rien ne peut diminuer. M. le cte de Rochambeau , et tout ce qui peut être de votre connaissance se porte à merveille. Adieu, Monsieur le duc, portez vous bien, conservez moy votre amitié et votre souvenir, parlez de mon tendre respect à Madame la duchesse du Chatelet , et à Mme de Simianne , et croyez que c’est sans aucune restriction et pour jamais que je vous suis bien fidèlement dévoué.


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At Newport, May 12, 1781

If M. le cte de Rochambeau, Monsieur le Duc, has not
brought back to his side the means which were
necessary to make an honorable and useful campaign,
he has at least brought me marks of
of your kindness, your esteem and your memory,
to which I am very sensitive, yes, Monsieur le Duc, since
inspectors have been recreated, and have been assembled in
committee, you could not have done anything that would have been
more agreeable to me, nor better to my heart, than to associate me
to everything that makes up the one you preside over, as you
say, it has put me in very good company, and I do not know any, I assure you,
with whom I would rather find myself to live in war
in war as in peace. Judge from this my
regrets of being in an emergency, which does not allow me
me to profit from your lessons, from their lights,
and to contribute with them, at your orders, and under your eyes,
which must result from the work of your committee.
I learned yesterday from your nephew, the death of his brother-in-law
the regrets that he gives him, the sensibilty as well as
{M Le Duc de Chatelet }


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everything he says about this event, and the worries about
the effect it will have on the health of Madame de
Damas, are a credit to his heart, and to his mind.
He is doing wonderfully well, and we will all
do our best to keep him with you, in spite of
his great vocation to seek out all the occasions when
he can show himself as a valiant and loyal knight.

If the King's ministers still form new projects
on England, and that they want us to execute them
during this campaign, do not count, I beg you,
Monsieur le Duc, on the Spaniards to help you.
the departure of M. d'Estaing from Cadiz, to whom they attribute
the supply of Gibraltar, has apparently given them too much
of a mood so that I can
believe them to be occupied with an enterprise for which
they have and have always had the greatest repugnance.
They think of themselves, much more than of us, they have just retaken
Pensacola, a conquest in which they have an infinite interest, and which
infinitely, and who knows if their clamor about
the return of M. d'Estaing to Brest, has not made M. de Grace
and his squadron devote a part of this campaign, to anything
that will favor their undertakings,


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preference to those that would be more directly
advantageous to us. You will tell me that these are unpleasant reflections
and sad foresight, I agree, Mr. Duke,
and I will gladly make amends on
my ramblings, if our squadrons and our troops make enough conquests
in the Channel, or on the colonies of the English
during this campaign to force them to sign
in six months independence, and a treaty of peace,
as glorious for France, as it could have been
if we had been given the means to take
New-York, and to drive the English out of all
America. If M. de Vergennes alone provides France with the
the same advantages to France, he will have prepared himself
tp great pleasures, and his self-love will be
satisfied for a long time.

General Washington wanting us at the beginning
of July on the North River, we will leave about the 10th
of next month to join him, it will be really, in the
the enviorons of Pis-Hill or Dobbsferry
that our meeting will take place, if this movement which will
to threaten New York, would give Mr. Clinton
enough concern to Mr. Clinton to engage him
to bring back some of the troops that are desolating the


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Virginia, it would have a happier effect than
we can reasonably expect, for
in fact we shall be too weak to undertake anything
but strong enough not to fear any
attempt on the part of the English
in the position that could be taken by
MM de Washington and de Rochambeau in
the vicinity of New York. In this state of affairs
we can be sure that we are devoted
to camp for at least two or three months very close to Mr. Clinton
and his army, that this campaign will consist of a few reconnoiterings,
and will be just as as insignificant as the last, and that if even
M. de Grace were to arrive, at the end of July or in
the first days of August, devoting himself for three months to
to everything that could serve the cause of America,
I will still not see any possibility of taking New-York
because one does not seize with eight or nine thousand
men, to which our combined forces will be added,
a city guarded by a more considerable corps of troops
and whose approaches are defended on all sides by
redoubts and entrenchments bristling with cannon, and with
difficulties.

M. Cornwallis, who was instrumental in Virginia M. de
La Fayette withdraws before him with much wisdom


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and measure. We are not, however, without
concern about his sort, the Congress believes it has to do with the
defection of this province, for my part,
I do not believe it. Green is making a point (attacking) in the
Carolinas, which surprises us, and for which
we wish he would not have to repent. Our squadron is repaired
in every respect, we are anxiously awaiting
convoy that brings us recruits, clothing, food
and money, if we were to miss our
position and our representation would become
pittyful, in all, do not expect any prowess
on our part, even though everything here has a
will that nothing can diminish. M. le cte de
Rochambeau, and all that may be of your knowledge
is doing wonderfully. Farewell, Monsieur le Duc, be well,
conserve for me your friendship and your memory,
speak of my tender respect to Madame la duchesse du
Chatelet and to Mme de Simianne, and believe that it is
without any restriction and for ever that I am
faithfully devoted to you.