MANIFEST

Brouillon lettre B de V au duc de Coigny

Title:
Brouillon lettre B de V au duc de Coigny
Creator:
Charles-Antoine Du Houx, Baron de Vioménil
Recipient:
François-Henri de Franquetot de Coigny, duc de Coigny
Date Created:
1781-02
Source Identifier:
164

1

Février 1781{ (date fausse d’après le contexte : il faut lire mars ou avril) }

Dès notre arrivée dans l’Amérique septentrionale, Mr, les forces de l’Angleterre ont été si supérieures qu’il nous a été impossible de faire la moindre tentative. Nous avons été réduits à la déffensive, et elle a été si bien combinée par nos généraux de terre et de mer, que les amiraux Rodney , Arbuthnot et Greves avec 22 vaisseaux de ligne et le général Clinton avec 15000 hommes de bonnes trouppes n’ont pas cru devoir nous attaquer. Quoyque nous n’ayons pas agi, notre présence à Newport n’a pas été inutile à l’Amérique, puisqu’elle a été vraysemblablement une des principales causes des succès de son commerce comme de l’inaction parfaite des anglais dans le Nord du continent, et que touttes leurs opérations se sont réduites à des mouvements dans les Carolines qu’ils ont mieux ffait valloir daus leurs gazettes, qu’ils ne leur ont été de véritable utilité. Les actions même les plus heureuses qu’ils ayent eu depuis la prise de Charlestown , ne leur ayant été d’aucun avantage pour soumettre les différentes provinces du Sud de l’Amérique, qu’ils ne parcourent qu’avec des frais d’argent considérables, et des pertes en hommes qui les affaiblissent chaque jour davantage ; pour donner cependant encore plus de consistance aux opération des généraux de Cornwallis et de Lee , MM Clinton et Arbuthnot ont envoyé vers la fin de décembre un corps de 1500 hommes aux ordres du général Arnold avec un vaisseau de 50 canons, trois frégattes et quantité de batiments de transport, dans la baye de Chesapeack pour former un établissement en Virginie . Le général a d’abord remonté la rivière de James jusqu’à Richemont où il s’est emparé des magasins que les américains n’avaient pas eu le tems de détruire, il est revenu ensuite dans celle d’Elisabeth , s’est établi et retranché à Portmouth et a campé ses trouppes entre cette rivière et la branche de l’ouest. C’est de cette position très circonscrite que ses détachements font le plus de mal qu’ils peuvent à l’état de Virginie , et c’est le désir de délivrer cette province des déprédations qu ’elle éprouve qui a donné lieu à la sortie de l’escadre du roy et aux événements dont j’ay l’honneur de vous adresser cy joint le détail

Au reste M. le cher Destouches a manoeuvré, servi le roy et la cause de l’Amérique dans la journée du 16 avec une distinction qui doit lui faire le plus grand honneur et luy assurer l’estime de nos ennemis, il a été parfaitement secondé par tous les capitaines et officiers de son escadre. Nos trouppes de terre ont mérité son estime et ont été utiles. Son combat a été audacieux et soutenu avec une vigueur que nous avons tous admiré. Ce que j’ai vu enfin M dans cette journée du bon ton, de la résolution de MM les officiers de la Marine, ainsi que de la joie de tous les équipages au moment et pendant la durée du combat m’a touché jusqu’à l’attendrissement. Sans le malheur du Conquérant dont le gouvernail avait été cassé, et qui était d’ailleurs fort dégréé M. Destouches eut attaqué l’escadre anglaise une seconde fois, et les hasards nous eussent peut-être été favorables. Il est bien malheureux d’avoir été obligés à renoncer par raison à une expédition qui pouvait tout à la fois délivrer la Virginie et influer très essentiellement sur les affaires de l’Amérique.


2

Je ne vous dit rien M de ma peine particulière, il vous sera facile de l’imaginer. Je vous prie de croire cependant qu’elle porte principalement sur le regret d’avoir manqué cette occasion de justifier la confiance de M. le cte de Rochambeau et de rendre utile à l’Amérique l’opération dont il m’avait chargé. J’ail’honneur d’être avec l’attachement le plus respectueux..

M. le Mis de Laval était sur le Conquérant, il a donné le meilleur exemple, il a eu une contusion qui n’a point de suitte.

M. le vicomte de Noailles et MM de Damas , de Scheldon , de Chabannes et de Lameth se sont montrés partout avec utilité et distinction, et se portent à merveille.

M. de Rochambeau se porte à merveille. J’ay à me louer chaque jour davantage des marques qu’il me donne de son estime et de sa confiance. Le retour de M. son fils devant nous apprendre ce que nous pourons faire en Amérique cette année, vous jugez bien mon cher duc que nous l’attandons avec quelque impatience. M. de Rochambeau m’avait confié le jeune Damas pour tout le tems qu’avait duré mon expédition, je l’ay assez pratiqué pendant vingt jours que nous avons été sur le même vaisseau, pour vous répondre qu’il y a peu de gens de sa tribu, et de son age qui le vallent. Il s’est montré au combat d’une manière si parfaite, qu’elle a été remarquée et applaudie par M. le cher Destouches et par tous les officiers du Duc de Bourgogne.

Vous apprendrez aussi avec plaisir, mon cher duc, que M. des Solteux ]], à mérité sur l’Ardent que M. de Marigny qui commande ce vaisseau, et l’un des officiers les plus distingués, luy ait donné plusieurs commissions de confiance pendant le combat.

Quelque soient d’ailleurs les on-dits de Paris et de Versailles sur la prétendue désunion de notre petite armée, soyez sur mon cher duc qu’il n’y a icy d’autre volonté que celle du général et que le roy n’est servi nulle part avec le plus d’ensemble, d’émulation d’exactitude et de gayté qu’à Newport .


1

February 1781{ (wrong date according to the context: it should read March or April) }

As soon as we arrived in North America, Sir, the forces of England were so superior that it was impossible for us to make the slightest attempt.
We were reduced to the offensive, and it was so well combined by our generals
and sea, that Admirals Rodney, Arbuthnot, and Greves with 22 ships of the line and General Clinton with 15,000 men of good troops did not
thought it necessary to attack us. Although we did not act, our presence in Newport
has not been useless to America, since it has probably been
one of the principal causes of the success of its commerce as well as of the perfect inaction of the English in the North of the continent, and that all their operations were reduced to movements in the Carolinas
which they have made better known in their gazettes than they have
been of any real use to them. Even the happiest actions they have had
since the capture of Charlestown, having been of no advantage to them in subduing
the different provinces of the South of America, which they only travel through with
with considerable expense in money, and losses in men which weaken them more and more each day; to give however still more consistency
to the operations of the generals of Cornwallis and Lee, Messrs Clinton and Arbuthnot
sent towards the end of December a corps of 1500 men under General Arnold with
a 50-gun ship, three frigates and a number of transport vessels, to Chesapeack
Bay to form a settlement in Virginia. The general
first sailed up the James River to Richemont where he seized
the stores which the Americans had not had time to destroy, he
then returned to Elizabeth's, established and entrenched himself at Portmouth
and camped his troops between this river and the western branch. It was
from this very circumscribed position that his detachments do the most harm
that they can do to the state of Virginia, and it is the desire to deliver that province from
from the depredations it is experiencing that gave rise to the departure of the royal squadron and to the events of which I have the honor of sending you the attached details.

In addition, M. Destouches maneuvred, served the king and the cause of America on the 16th with a distinction which must do him the greatest honor
and assure him the esteem of our enemies, he was perfectly assisted by all the captains and officers of his squadron. Our land troops have earned his esteem
and were useful. His combat was audacious and sustained with a vigor that we all admired.
What I saw finally M in this day of good tone, the resolution of the officers of the Navy, as well as the joy of all the crews at the time and during the fight
touched me to the point of tenderness. Without the misfortune of the Conqueror, whose rudder had been broken and which was moreover very degreased M. Destouches
would have attacked the English squadron a second time, and the chances
would perhaps have been favorable to us. It is very unfortunate to have been
forced to give up an expedition that could both deliver Virginia and have an
influence on the affairs of America.


2

I don't tell you anything about my particular pain,
it will be easy for you to imagine it. I beg you to believe, however, that it is mainly due to the regret of having missed this opportunity to justify
the confidence of Count de Rochambeau and to make useful to America the operation with which he had
charged me with. I have the honor to be with the most respectful attachment.

M. le Mis de Laval was on the Conqueror, he gave the best example,
he had a bruise which has no follow-up.

M. le vicomte de Noailles and Messrs de Damas, de Scheldon, de Chabannes
and de Lameth have shown themselves everywhere with usefulness and distinction, and are in excellent condition.

M. de Rochambeau is doing wonderfully. I have to praise myself more and more each day
of the marks he gives me of his esteem and confidence. The return of his son should tell us what we can do in America this year,
you can see, my dear duke, that we are waiting for him with some impatience.
M. de Rochambeau had entrusted the young Damas to me for the entire time that my expedition lasted.
I have been with him during the twenty days we were
on the same ship, to answer you that there are few people
of his tribe, and of his age, who are of his high standards.
He showed himself in combat in such a perfect manner
that it was noticed and applauded by M. le
dear Destouches and by all the officers of the Duke of Burgundy.

You will also learn with pleasure, my dear Duke, that M. des Solteux
deserved on the Ardent that M. de Marigny who commands this ship
and one of the most distinguished officers, gave him several commissions of confidence during the battle.

Whatever the rumors from Paris and Versailles may be
on the alleged disunion of our small army, be sure,
my dear duke that there is no other will here than that of the general
and that the king is served nowhere with more unity, emulation
accuracy and gayety than in Newport.