MANIFEST

Lettre de x - Considérations sur situation

Title:
Lettre de x - Considérations sur situation
Recipient:
Antoine-Charles Du Houx, Baron de Vioménil
Date Created:
1781-09-30
Location:
Frescati, Lazia, Italy
Source Identifier:
141

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Frescati le 30 7bre 1781

J’ay été bien affligé, mon cher baron, de l’accident affreux qui vous est arrivé, mais on assure que vous en avez été quite pour une quinzaine de jours de repos dans votre chambre ; cela aura un peu contrarié votre activité, mais j’espère cependant que vous avez été assez raisonnable pour vous y soumettre. Le retour de M. de Rochambeau ne parait plus douteux ; on avait dit pendant quelque tems qu’on envoyait M. de Lévis pour le remplacer, mais il est certain aujourd’huy qu’on vous laissera le commandement en chef de notre petite armée ; c’est bien assurément tout ce qu’on pouvait faire de mieux, et je vois mal en tout cela que le peu de moyens qu’on vous laisse pour faire quelque chose. Je ne scais que souhaiter à cet égard ; d’un côté je serais ravi que vous trouvassiez des occasions de déployer vos talents, et de justifier le choix qu’on a fait de vous ; d’un autre côté je serai dans l’inquiétude des dangers que vous coureriez, ainsi que le mquis de Laval , que


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sûrement vous auriez la bonté d’employer. Au surplus je conçois que vous devez être affligé et impatienté d’avoir passé les mers pour ne rien faire et rester oisifs. Il parait que, quoique réunis avec Washington , vous n’êtes pas assez forts pour attaquer New York , et j’imagine que les anglais ne se trouveront pas assez forts pour tenter de vous forcer dans votre camp, et de risquer de perdre beaucoup de monde, dont ils ont grand besoin et qui ne sont pas faciles à remplacer, ainsi je prévois que vous aller passer le reste de la campagne dans votre camp, sans rien entreprendre, et que les anglais se tiendront renfermés dans New York . On avait fondé de grandes espérances sur les forces prépondérantes de M. de Grasse , mais il parait qu’il n’a pas justifié la préférence qu’on luy avait donnée sur nos autres généraux marins. On craint qu’il n’ait eu la maladresse de se laisser prévenir dans vos parages par l’amiral Rodney , ce qui donnerait toute espèce


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d’avantage sur nous aux anglais le reste de cette campagne. M. de Poyanne est mort il y a quelques jours à Vendôme , il était moribond lorsqu’il est parti de Paris , et on prévoyait bien qu’il mourerait aux carabiniers : ce corps a été donné à M. de Chabrillant , il luy était promis depuis longtems. Le Baron de Bézenvalt a obtenu le commandement de l’intérieur du royaume, qu’avait M. de Poyanne ; cela vaut 40000 # de rente, sans aucune charge. Le cte de Broglie est aussi mort à St Jean d’Angeli d’une fièvre maligne ; son commandement de Franche-Comté et son gouvernement de Saumur et du Saumurois sont donnés le premier à M. de Vaux , et le second à M. le cte d’Egmont . M. de la Tour du Pin et M. de St Julien le fils sont également morts. Le cte de Rochechouart (Courteil) et le fils ainé de M. de Ségur sont assez malades le premr à Courteil, et le second à Ancenis, d’une fièvre continüe. M. de Dreux est mort aussi et sa charge a été donnée sue le champ à son fils.


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J’ay eu ma nièce icy pendant à peu près deux mois, nous avons souvent parlé de vous. J’ay eu l’honneur de posséder icy Madame la Baronne de Vioménil , madame votre fille et M. votre gendre pendant deux jours, j’aurais désiré pouvoir les garder plus longtems, mais mes instances ont été inutiles Il me parait que Made votre fille a fait un très bon mariage. On dit infiniment de bien de M. de Montmort , et dans le peu que je l’ay vu, il m’a paru justifier la bonne idée qu’on m’avait donnée de luy ; il a d’ailleurs une fortune fort honnête, et à la manière dont le mari et la femme paraissent être ensemble, il y a tout lieu d’espérer que Made votre fille sera fort heureuse, je vous en fais mon compliment de tout mon coeur, et je vous renouvelle, mon cher Baron, les assurances de mon tendre et inviolable attachement.

Mille compliments, je vous prie, à Monsieur votre frère.


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Frescati 30th of February 1781

I was very saddened, my dear baron, by the terrible
accident that happened to you,
but I am assured that you have been freed from it after
two weeks's rest in your room; this will have
had upset your activity a little
but I hope that you were reasonable enough
to submit to it.
The return of M. de Rochambeau no longer seems
doubtful; it had been said for some time that
M. de Lévis was being sent to replace him,
but it is certain today that you will be left
in charge of our small army;
that is certainly the
best we could do, and the only aspect I consider negative in all that,
are the few means left to you to do something.
I do not know what to wish for
in this regard; on the one hand I would be delighted if you
find opportunities to display your talents,
and to justify the choice that has been made for you;
on the other hand I would be worried about the dangers
that you would face, as well as the Mquis de Laval, whom


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surely you would have the goodness to employ.
In addition, I understand that you must be
distressed and impatient to have passed the seas
to do nothing and remain idle. It seems that
although united with Wasington, you are not strong enough
to attack New York,
and I imagine the English will not find themselves
strong enough to attempt to force you into your camp
and risk losing
a lot of people, which they need a lot
and who are not easily replaced, so I
foresee that you will spend the remainder of the campaign
in your camp, without undertaking anything,
and that the English will keep themselves closed in
New York. We had founded great hopes
on the preponderant forces of M. de Grasse,
but it seems that he did not justify (assert) the preference (higher rank)
given to him over our other marine generals.
sailors. It is feared that he has had the clumsiness
to let himself be warned in your vicinity
by Admiral Rodney, which would give any kind of


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advantage over us to the English the rest of
of this campaign.
M. de Poyanne died a few days ago
days ago at Vendome, he was moribund when he left
left Paris, and it was well foreseen that he would die
in the Carabiniers: this body was given to
given to M. de Chabrillant, it had been promised to him
for a long time. The Baron de Bézenvalt has
obtained the command of the interior
of the kingdom, which M. de Poyanne had; it is worth
40,000 # of pension, without any charge.
Count de Broglie also died in St Jean
of Angeli of a malignant fever; his comman-
dement of Franche-Comté and his government
of Saumur and the Saumurois were given
to M. de Vaux, and the second to M. le cte
d'Egmont. M. de la Tour du Pin and M. de St
Julien the son are also dead. The cte
de Rochechouart (Courteil) and the eldest son
of M. de Ségur are quite ill, the first
in Courteil, and the second in Ancenis, of a continuous
fever. M. de Dreux is also dead and his
office (charge) was given on the spot to his son.


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I have had my niece here for about
two months, we often talked about
you. I had the honor of having Madame
the Baroness of Vioménil, your daughter
and Mr. your son-in-law for two days,
I would have liked to be able to keep them longer,
but my entreaties have been useless.
It seems to me that Made your daughter has made a very lucky
marriage. They say infinitely good things about
M. de Montmort, and in the little I have seen of
him, he seemed to me to justify the good idea I had
of him; moreover, he has a very honest fortune,
and in the way that husband and wife
seem to be together, there is every reason to hope
that Mademoiseille your daughter will be very happy, I offer you
my compliments with all my heart,
and I renew to you, my dear Baron, the assurances
of my tender and inviolable attachment.

A thousand compliments, please, to your brother.