MANIFEST

Brouillon lettre B de V au Mis de Bouillé, gouverneur général des Iles sous le vent

Title:
Brouillon lettre B de V au Mis de Bouillé, gouverneur général des Iles sous le vent
Creator:
Charles-Antoine Du Houx, Baron de Vioménil
Recipient:
François Claude Amour du Chariol, marquis de Bouillé
Date Created:
1783-02-13
Location:
Aboard the vessel "Triomphant"
Source Identifier:
156

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A bord du Triomphant le 13 février 1783

M. le cte de Rochambeau , monsieur le marquis s’étant décidé à retourner en France à la fin du mois de 9bre, il m’a remis à son départ de Providence le commandement qui luy avait été confié avec l’ordre de faire embarquer tous les régiments de son armée, aux malades et à la légion de Lauzun près, sur l’escadre de M. le Mis de Vaudreuil pour être portés et débarqués dans les points indiqués au général par ses instructions particulières ou les rendez vous qu’il pouvait avoir pris avec les espagnols. M. de Solano ne s’étant pas trouvé à celuy qu’il avait indiqué et dont il était convenu l’année dernière avant son départ de St Domingue sous les yeux de M. le Mis de Galvez , et sous ceux de M. de Bellecombe . M. de Vaudreuil m’en parait d’autant plus touché que ce n’a été qu’à la suitte d’une traversée très orageuse et après avoir perdu La Bourgogne qui s’est échoué dans la nuit du 3 de ce mois sur la côte espagnole qu’il est parvenu à se rendre icy avec 5 vaisseaux de son escadre, comme il vous instruit luy même avec détail de tout ce qui a eu trait à sa traversée, et à la séparation des vaisseaux qu’il a fait relâcher à Cuiracao , ou laissé dans le sud de cette isle, lutant pour se rendre icy contre les courants de la plus grande force, je me bornerai à vous dire que son escadre


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a tellement souffert depuis son départ de Boston qu’elle ne sera pas en état de mettre à la voile lors même qu’elle sera réunie avant le dix du mois prochain. Ce nouveau retard me fait d’autant plus de peine que je dois croire que M. le Mis de Galvez , M. de Bellecombe , ou vous monsieur eussiez pu faire un usage utile au service du roy des régiments que je dois tenir à leur disposition comme à la vôtre. Je vais prévenir également M. de Bellecombe de mon arrivée sur cette côte avec prière d’en instruire M. de Galvez afain qu’il puisse se concerter à l’avance avec vous sur l’employ des trouppes que j’amène d’Amérique septentrionalle. Lorsque M. le Mis de Vaudreuil poura les faire débarquer conformément aux ordres qu’il recevra directement de la cour, ou que vous pourez luy faire parvenir. Les différentes copies que j’ay l’honneur de vous adresser cy joint vous instruiront des forces de terre qui ont été embarquées sur cette escadre ainsi que les ordres ou instructions qui m’ont été adressés successivement. La lettre de M. le cte de Rochambeau de la datte du 20 ocbre (Xbre ?) m’étant arrivée à Boston quelques heures après notre départ, je l’ay reçue ainsi que les dépêches que M. le Mis de Ségur luy avait adressées, les 18 et 26 aoust,


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qu’à mon arrivée icy où elles ont été apportées par l’Auguste qui s'y est rendu directement de Porthmouth d’où il n’a appareillé que quelques jours après notre départ de Boston . Dans cet état des choses quoyque l’instruction du roy n’ait pas été que je m’embarquasse avec les trouppes auxquelles l’instruction particulière de M. le cte de Rochambeau m’avait associé. Comme j’ay prévenu les ministres de la guerre et de la marine avant de quitter l’Amérique Septentrionalle de mon obéissance aux ordres qui m’avaient été donnés par ce général, je crois maintenant de mon devoir de ne pas me séparer de cette armée que le roy n’ait prononcé sur sa destination ultérieure, ou que je l’aye remise entre vos mains ou à la disposition de M. le Mis de Galvez ou de Bellecombe mais si en attendant la première de ces époques vous voulez, M. le Marquis me faire passer vos ordres je vous promets qu’ils seront exécutés quoyqu’il arrive, ou soit arrivé avec le zèle et l’exactitude que je mettrai toujours à ce qui peut intéresser le service du roy. S’il allait mieux d’ailleurs à l’utilité de la chose, à votre convenance, ou à vos vues particulières que je remisse à mon frère le commandement des


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trouppes que nous avons amenées dans l’Amérique méridionale. Cela serait fait au premier mot que je recevrais de votre part et il me sera encor satisfaisant à imaginer qu’il aurait peu être l’occasion de mériter plus particulièrement sous vos ordres votre estime et votre intérêt.

Quoyque que nous ayons été à la mer pendant 51 jours pour nous rendre icy nous n’avons que très peu de malades, et sans le malheur de La Bourgogne qui nous a fait perdre dix officiers et une centaine de soldats ou matelots, nous aurions à nous louer à tous égards du bon état dans lequel se trouve notre petite armée.

Le Fantasque armé en flutte qui a du partir de Providence quinze jours après notre départ de Boston , pour se rendre à Porto Plata étant chargé de près de 400 hommes de différents régiments de notre petite armée et de beaucoup d’effets d’artillerie et d’hopitaux, le tout aux ordres de M. d’Espeyron , major au régt de Soissonnais, je vais prier M. de Bellecombe de vouloir bien ordonner que ces hommes soient débarqués et placés de la manière qui poura le mieux assurer leur conservation jusqu’au moment où ils se réuniront à leurs régiments, je luy demanderai même service pour deux compagnies du Rgt de Saintonge embarquées sur l’Allégeance à qui M. de Vaudreuil a également ordonné de se rendre à Porto Plata en cas de séparation.

Je ne vous aurais pas adressé les copies de mes ordres et instructions si M. de Vaudreuil ne m’avait pas assuré que nos dépêches vous seraient envoyées par des voyes sures.

C’est d’ailleurs avec le plus grand plaisir que je vous assure que je saisis cette occasion de me rappeller à votre souvenir et de vous renouveller les assurances de l’ancien et fidèle attachement avec lequel j’ay l’honneur d’être M. le marquis....


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On board the Triomphant, February 13, 1783

M. le cte de Rochambeau, the Marquis having decided
to return to France at the end of the month of September, he gave me at his
departure from Providence the command which had been entrusted to him
with the order to have all the regiments of his army embarked,
the sick and the legion of Lauzun near, on the squadron of M. le Mis de
Vaudreuil to be carried and disembarked in the points indicated to the
general by his particular instructions or the appointments which he
could have taken with the Spaniards. M. de Solano not having been found
at the one he had indicated and which he had agreed upon
last year before his departure from St Domingue under the eyes of M. le Mis de
Galvez, and under those of M. de Bellecombe. M. de Vaudreuil seems to me
all the more touched that it was only after a very
stormy crossing and after having lost La Bourgogne which ran aground during the
night of the 3rd of this month that he managed to get here
with 5 ships of his squadron, as he informs you
himself with details of all that had to do with his crossing, and
the separation of the vessels which he made rest in Cuiracao, or left in the
in the south of this island, struggling to get there against the currents
of the greatest force, I will limit myself to telling you that his squadron


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has suffered so much since leaving Boston that she will
not in a condition to set sail even when she is reunited
before the tenth of next month. This new delay makes it
all the more painful for me because I must believe that M. le Mis de Galvèz,
Mr. de Bellecombe, or you sir could have made a useful use
to the service of the king of the regiments which I must hold at their disposal
as well as yours.
I will also inform M. de Bellecombe of my arrival on
this coast with the request that I inform M. de Galvès so that he can
consult with you in advance on the employment of the troops that I am bringing
from North America. When M. le Mis de Vaudreuil can
have them disembarked in accordance with the orders that he will receive
directly from the court, or that you can send him.
The various copies that I have the honor of sending you herewith will inform you
of the land forces which were embarked on this squadron as well as
the orders or instructions which were successively addressed to me.
The letter of M. le cte de Rochambeau dated [October 20 (Xbre ?)] having arrived to me in Boston a few hours after our departure
I received it as well as the dispatches
that M. le Mis de Ségur had addressed to him, on August 18 and 26,


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that on my arrival here, where they were brought by the Auguste, which went there
directly from Porthmouth, from where she set sail only a few
days after our departure from Boston. In this state of affairs, even though
the instruction of the king was not that I embark with
the troops to which the particular instruction
of M. le cte de Rochambeau had associated me. As I had warned
the ministers of war and of the navy before leaving North America
of my obedience to the orders which had been given to me
by this general, I now believe it is my duty not to separate myself
from this army until the King has pronounced on its further destination,
or that I have placed it in your hands or
to the disposition of M. le Mis de Galvès or de Bellecombe
but if while waiting for the first of these times you want,
M. the Marquis to make me pass your orders I promise you
that they will be carried out whatever it arrives, or has arrived with
the zeal and the exactitude which I will always put to what can
interest the service of the king. If it were better moreover to the utility
of the thing, to your convenience, or to your particular views,
that I hand over to my brother the command of the


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troops that we brought to South America.
This would be done at the first word that I would receive from you and it would
still be satisfactory to me to imagine that it would he woud have maybe the occasion
to merit more particularly under your orders your esteem and your
interest.

Even though we have been at sea for 51 days to get here,
we have very few sick, and without the misfortune of La Bourgogne
which caused us to lose ten officers and a hundred
soldiers or sailors, we would have to praise in every respect the good condition
in which our small army finds itself.

The Fantasque, armed with a float, which had to leave Providence a fortnight after
after our departure from Boston, to go to Porto Plata being
loaded with nearly 400 men from different regiments of our small army
and many artillery and hospital effects, all under the orders
of M. d'Espeyron, major in the regt of Soissonnais, I will ask M. de Bellecombe
to kindly order that these men be disembarked and placed
in the manner which will best ensure their preservation until the
moment when they will be reunited with their regiments, I will ask him even
service for two companies of the Rgt de Saintonge embarked on the
the Allégeance to whom M. de Vaudreuil has also ordered to go to
Porto Plata in case of separation.

I would not have sent you copies of my orders and instructions if M.
de Vaudreuil had not assured me that our dispatches would be sent to you
by safe channels.

It is moreover with the greatest pleasure that I assure you that I seize this opportunity to remember you and to renew to you the assurances of the old and faithful attachment with which I have the honor to be Mr. Marquis....