MANIFEST

Brouillon lettre B de V à la princesse de Gueménée

Title:
Brouillon lettre B de V à la princesse de Gueménée
Creator:
Charles-Antoine Du Houx, Baron de Vioménil
Recipient:
Princesse de Gueménée
Date Created:
1781-07-08
Location:
Philipsburg Encampment, New York, USA
Source Identifier:
158

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Au camp de Philippsburg le 8 juillet 1781

J’ay eu l’honneur de vous instruire successivement princesse du peu d’événement qui nous sont arrivés dans cette partie du monde , mais quoyque j’ignore si mes lettres vous sont parvenues, je ne veux cependant manquer aucune occasion de ma rappeller à votre souvenir, et de vous renouveller l’homage de mon respectuex attachement.

Notre petite armée s’est réunie depuis deux jours à celle du général Washington nous sommes assez forts dans le camp que nous occupons pour désirer d’y être attaqués, mais trop faibles cependant pour que nous puissions faire aucune entreprise sur New York , toutes nos forces réunies ne montent pas à neuf mille hommes, dans cet état des choses je prévois que cette campagne s’achèvera dans cette position, sans aucun événement qui puisse intéresser. On a beau nous flatter que l’arrivée de M. de Grace que l’on nous annonce pour la fin de ce mois ou les premiers jours de l’autre nous tirera de l’inaction à laquelle nous sommes dévoués, je ne m’attends pas d’abord qu’elle soit si prochaine, et comme il n’amènera pas d’ailleurs à sa suitte assez de moyens, pour que nous puissons faire le siège de New York , tout ce que noyus pouvons désirer raisonablement dans notre situation, c’est que notre faible représentation en Amérique ait été suffisante à M. de Vergennes pour qu’il puisse assurer cet hyver à la France une paix aussi glorieuse qu’elle aurait pu l’être, si on


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avait donné des moyens suffisants à M. le cte de Rochambeau pour prendre New York et chasser les anglais de toutte l’Amérique. Tout ce qui est ici de votre connaissance, princesse, se porte et se conduit à merveille. Le duc de Lauzun , que vous aimez, apelé de confiance par le génal Washington , il y a quelques jours, pour concourir avec son corps, et un détachement américain, qu’il avait envoyé à ses ordres à une attaque combinée sur les postes avancés des anglais, que des hasards ont empêché, mais dont la succès pouvait déterminer les plus grands avantages, a si bien manoeuvré et s’est montré en deux circonstances difficilles avec tant d’audace et de prévoyance, qu’il a sauvé huit cents hommes d’infanterie américaine, aux ordres du général Lincoln , qui auraient été enlevés ou détruits si ses mouvements n’avaient pas donné de l’inquiètude pour sa retraite à un corps de chasseurs hessois assez considérable, dans le moment où il s’était décidé de manière la plus victorieuse et la plus meurtrière sur le détachement du général Lincoln. Je me plais encor à vous assurer princesse, qu’il est impossible d’être de meilleur exemple, ny mieux sous tous les raports que M. le duc de Lauzun , MM de Washington et de Rochambeau me paraissent d’ailleurs s’accorder parfaitement, pour luy marquer toute sorte d’estime, de considération et d’amitié. Pour moy je l’aime de tout mon coeur, parce que je ne connais point d’homme plus aimable, et plus honette. MM de Dillon et de Scheldon auxquels vous vous intéressez également se conduisent icy parfaitement. Je vous supplie princesse de vouloir bien me conserver votre intérêt et votre souvenir, et de recevoir avec bonté l’homage du fidel et respectueux attachement, que je vous ay voués jusqu’au dernier moment.


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At the camp of Philippsburg on July 8, 1781

I had the honor to inform you successively, princess,
of the few events which arrived to us in this part
of the world, but even though I do not know if my letters
arrived to you, I do not want to miss
any opportunity to remind to remind you of me,
and to renew the homage of my respectful
attachment.

Our small army has been joined for two days to that of General Washington
we are strong enough in the camp we occupy to desire to be attacked, but too weak
however, for us to make any enterprise upon New York,
all our forces together do not amount t
to nine thousand men, in this state of things
foresee that this campaign will end in this position,
without any event that might be of interest.
It is all very well to flatter us that the arrival of M. de Grace
which they announce for the end of this month or
the first days of the next one will pull us out of the inaction
to which we are devoted, I do not expect it to be so soon
and as he will not bring enough means
so that we can make the siege of New York
all that we can reasonably
desire in our situation, is that
our weak representation in America was sufficient
to M. de Vergennes so that he can assure this winter to France
as glorious a peace as it could have been, if we had been


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had given sufficient means to M. le cte de Rochambeau to
take New York and drive the English out of all America.
Everyone you know here, Princess, is doing well and behaving
wonderfully. The Duke de Lauzun, whom you love, called in confidence
by General Washington, a few days ago, to compete
with his corps, and an American detachment, which he had sent
to a combined attack on the advanced posts
of the English, which chance prevented, but the success of which
could determine the greatest advantages, maneuvered so well
and showed himself in two difficult circumstances with such audacity
and foresight, that he saved
eight hundred men of American infantry, under General Lincoln, who would have been
destroyed, had not his movements given cause for
worry for his retreat to a body
of Hessian fighters, at the moment when he had
decided in the most victorious and deadly way
on the detachment of General Lincoln. I
still like to assure you princess, that it is impossible
to be of better example, nor better in all respects, than M. the duke of
Lauzun,
Washington and Rochambeau seem to me moreover to agree
perfectly, to mark him with all kinds of esteem,
consideration and friendship. For myself I love him with all my heart,
because I do not know of a more amiable man, and more
honorable man. De Dillon and Scheldon, in whom you are equally interested
are behaving perfectly here.
I beg you, Princess, to keep your
interest and memory, and to kindly receive the homage of your faithful and
respectful attachment, which I have devoted to you
until the last moment.